mercredi 13 février 2008

mardi 12 février 2008

Le guérillero de Trois-Pistoles et la politique comparée


Victor-Lévy Beaulieu (wiki) a appuyé l'ADQ aux dernières élections. Aujourd'hui, il revient faire la leçon au PQ en s'attaquent à Pauline Marois. L'écrivain québécois en a contre la récente proposition de la chef péquiste. Sa lettre d'opinion, publiée dans Le Devoir et intitulée La traitrise de Pauline Marois, se termine ainsi:

"Il m'apparaît donc urgent que le Parti québécois, à défaut de nous débarrasser de Pauline Marois la traîtresse, la soigne de sa schizophrénie galopante. Il m'apparaît aussi urgent que les Québécois francophones, par tous les moyens possibles, livrent à Mme Marois une guerre sans merci, à défaut de quoi on va finir par s'ennuyer amèrement de Gilles Duceppe et, qui l'eût pensé, même d'André Boisclair!"

Son champ sémantique, il me semble, est celui de la guérilla. Le maillon le plus original - pour le moins qu'on puisse dire - de son argumentaire est la comparaison qu'il trace entre les situations linguistiques québécoise et tibétaine. Soit le Québec suivra la voie des ex-républiques soviétiques (c-à-d qu'il quittera l'empire qui l'empêche de s'épanouir dans sa langue) et rejettera les idées coloniales de Pauline Marois, soit il subira le même sort que le Tibet, selon Beaulieu. Samedi, Michel David disait ceci à propos de la proposition de Marois:

"En politique, le sens du timing est une qualité essentielle. Une bonne idée émise au mauvais moment peut devenir une très mauvaise idée. Pauline Marois ne mesure peut-être pas l'étendue des dommages causés par son plaidoyer en faveur du bilinguisme dans l'entrevue qu'elle a accordée au Devoir en début de semaine."
(source photo: fpjq.org)

vendredi 8 février 2008

Premier retour sur un débat en cours

Toujours au sujet de la langue, voyez ce commentaire d'Alain Dubuc intitulé La «game». Dubuc y décrit une généalogie du récent débat linguistique qui rejoint en plusieurs points le contenu de trois de mes billets précédents:


Notez qu'Alain Dubuc traite d'un thème que je n'ai pas abordé, soit la perte de contrôle de Pauline Marois sur le message linguistique projeté par le PQ. Par contre, Dubuc omet un sujet que je crois nécessaire à l'analyse de l'émergence du débat linguistique: l'effet de la couverture éditoriale massive qu'ont accordée La Presse et Le Devoir au dialogue sur la langue engendré par les sorties de la chef péquiste. Il ne fait aucun doute le débat aurait pris une forme moins publique si les commentateurs politiques de La Presse ne s'étaient pas si agressivement et si tôt prononcés contre les propos de Marois. À cet effet, (re-)lisez Blitzkrieg lapress-ienne contre Marois et Le splish-splash de Pauline Marois.

Pour vous mettre à jour sur les positions linguistiques (officielles) actuellement promues, voyez, pour le PLQ, Coup de barre pour le français, et pour le PQ, A History of the Conquest et Marois veut des élèves bilingues.


(source photo: ledevoir.com)

mercredi 30 janvier 2008

La langue sur la table: PLQ vs. PQ


Il devient de plus en plus clair que le Québec n'échappera pas à un nouveau débat linguistique. Pour l'instant, l'imbroglio ne porte que sur l'interprétation à donner aux statistiques, mais déjà La Presse et Le Devoir lui consacrent une couverture éditoriale considérable.

Qu'est-ce qui permet, outre la couverture médiatique, de prévoir le retour d'un débat portant sur la langue? Le simple fait que "la protection du français" constitue sans doute le meilleur cheval de bataille que le PQ puisse enjamber dans la situation tripartite actuelle. Le cheval de "la protection de l'identité", d'élevage adéquiste, n'enchantait guère le PQ, qui préfère promouvoir l'idéal d'une société plurielle et moderne. Mais en insistant sur la fragilité du français en Amérique du Nord, Mme Marois peut espérer rallier une bonne partie de l'électorat péquiste du temps où l'ADQ était marginal. Et du coup, le thème de l'identité devient corollaire; l'élection de Mme Marois: probable.

En effet, comme la protection du français est un thème largement identifié au PQ, la recrudescence du débat linguistique ne peut qu'avantager Mme Marois, puisque l'électorat qui est susceptible de trouver convaincant un discours reprenant la thématique linguistique se divise actuellement principalement entre l'ADQ et le PQ. Les groupes qui craindraient un renforcement de la loi 101 sont quant à eux déjà dans le camp du PLQ. D'opinion contraire, Michel C. Auger écrivait la semaine dernière que Mme Marois a tort de parler de langue alors que l'économie devient la préoccupation principale des Québécois, mais son analyse semble reposer sur des prémisses qui prévalaient à l'époque de l'Assemblée bipartite.

Comment le PLQ peut-il se défendre contre ce nouveau discours? Peut-être en accusant Mme Marois d'un mélange de malhonnêteté intellectuelle, de petitesse politique, d'incompétence et de soumission aux éléments plus radicaux du PQ. Déjà-vu? (... Charest vs. Dumont, Charest vs. Boisclair...) Peut-être, sauf que cette fois le PQ est plus uni et donc apte à défendre son chef. Et l'image publique de Mme Marois est loin d'être aussi malléable que celle de MM Dumont et Boisclair. De plus, la thématique linguistique est bien ancrée dans notre culture politique et recevra par conséquent une attention particulière. Il suffirait à Mme Marois de présenter une politique linquistique bien ficelée pour saisir toute l'attention médiatique, mettre Jean Charest sur la défensive, et créer une impression d'urgence qui diminuerait l'importance relative des questions d'ordre économique. Autrement dit, une défense libérale ne misant que sur l'image de la chef péquiste paraît dangereuse parce qu'elle pourrait laisser le temps à Mme Marois de mettre sur rail un train que les libéraux pourraient ne plus savoir rattraper.

C'est dans cette optique que je lis le dernier éditorial d'André Pratte, où celui-ci propose la création d'un Ministère (provincial) de la Population, qui "regrouperait les activités du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles à celles de la partie «famille» du ministère de la Famille et des Aînés et au volet «application de la Charte de la langue française» du ministère de la Culture."

Le titulaire du nouveau portefeuille devrait avoir fait ses preuves par sa rigueur, sa modération et sa capacité à gérer les crises. Philippe Couillard? Michelle Courchesne? Line Beauchamp?

La création de cette nouvelle entité n'empêcherait en rien le gouvernement d'accorder priorité à l'économie. C'est même le contraire. Le développement économique futur du Québec dépend notamment de l'augmentation de la population. Celle-ci repose sur une hausse du nombre de naissances et sur l'intensification de l'immigration.

Pour que cette dernière ne soit pas vue comme une menace, les mesures en faveur de la francisation des immigrants doivent être considérablement renforcées, tandis que la loi 101 doit être appliquée avec doigté et détermination. Tout cela se tient.

En plus de permettre une action gouvernementale plus forte dans ces domaines, la mise en place d'un ministère de la Population sensibiliserait les Québécois au fait que la croissance démographique est absolument essentielle à leur survie à long terme comme nation originale en Amérique.

Bien qu'André Pratte se soit clairement prononcé contre une récupération politique de statistiques linguistiques incomplètes, son éditorial témoigne de son inquiétude devant la montée de la thématique linguistique. Selon mon interprétation, Pratte estime que la défense libérale devra miser non seulement sur l'image de Mme Marois et sur les thèmes économiques, mais également sur la proposition d'une politique linguistique alternative à celle du PQ. Si Marois dit: "il faut protéger la langue et élire le PQ", le PLQ doit répondre "voici notre plan pour protéger la langue et l'économie" plutôt que "c'est le temps de penser à l'économie alors que Mme Marois ne pense qu'à la langue." De toute évidence, il sera plus facile pour le PLQ de promouvoir une image négative de la chef péquiste si celle-ci doit défendre 'un plan péquiste de protection du français' contre 'un plan libéral de protection du français dans une perspective de croissance économique' que si elle doit défendre 'le français' contre 'la croissance économique'. Si le PLQ a à craindre le départ du train linguistique, mieux vaut qu'il s'y accroche dès maintenant, selon Pratte.

Mais il est à noter que la stratégie promue par Pratte n'est pas la seule envisageable pour le PLQ. Si le diagnostic que je trace est juste, le Premier Ministre pourrait également faire équipe avec Mme Marois pour régler la question avant les prochaines élections et couper l'herbe sous les pieds du PQ. Cette stratégie, appelée triangulation (wiki), a été utilisée par Bill Clinton comme par François Mitterand dans des situations où leur survie politique en dépendait. Avec la bonne dose de spin, elle est généralement couronnée de succès électoral. Il n'est pas exclu, non plus, que Jean Charest décide d'essayer d'imposer ses propres thèmes et de mettre le couvercle sur le débat linguistique: dangereuse stratégie qui laisserait beaucoup de latitude à Mme Marois.


(source photo: editionsvp.fr)

vendredi 25 janvier 2008

La langue en Stastny-stiques

Voilà ce qui est également «caché à la population» dans l’aveuglante clarté des études démo-linguistiques. Le réel succès des politiques linguistiques québécoises. - Yves Boisvert
En lien avec ma note de la semaine dernière Le splish splash de Pauline Marois (qui fut soit dit en passant publiée dans LeDevoir du 19 janvier sous forme de lettre), je conseille L'autre secret sur le français d'Yves Boisvert. Le chroniqueur juridique de La Presse y explique clairement la signification de différentes statistiques citées dans le cadre du récent débat sur notre politique linguistique. Il traite également des accusations portées à l'endroit du gouvernment Charest suite au retard dans la publication de certains rapports.

(source photo: sportsencyclopedia.com)

mercredi 23 janvier 2008

Pot-pourri: Gaza, et caetera

(source photo: boston.com)

Quelques petites nouvelles:
- Le Devoir publie un aperçu du rapport Castonguay. On dit:

Il y a tout lieu de se surprendre que les trois membres de la commission aient pu surmonter leurs différences idéologiques pour arriver à signer un rapport unanime.(...)

Le groupe de travail s'est largement inspiré des expériences en Europe, où la population est en meilleure santé qu'au Canada ou aux États-Unis, où elle est plus satisfaite des services reçus et où les soins coûtent moins cher. (...) Michel Venne a cité une étude, commandée par le groupe de travail, qui constate que l'accessibilité des Québécois aux soins de santé est l'une des moins bonnes du Canada, déjà dans le peloton de queue à cet égard parmi les pays développés.

- En Palestine, des dizaines de milliers de gens se sauvent de la bande de Gaza après avoir fait tomber le mur qui sépare le territoire de l'Égypte. Une proportion d'entre eux reviennent après avoir fait l'épicerie. (regardez les photos et voyez les liens à droite)

- Aux États-Unis, Ron Paul, le candidat libertarien à l'investiture républicaine, reçoit le support de Jane Roe (wiki), qui était allée en cour suprême américaine pour défendre le droit pour l'avortemet. Aujourd'hui, Jane Roe s'est ralliée au mouvement pro-vie.

- Dans la campagne à l'investiture démocrate, John Edwards laisse sous-entendre que ses relations avec Clinton et Obama se sont un peu détériorée dans une entrevue télé à David Letterman (lien vidéo).

- Cette photo, par contre, laisse penser que dans l'fond, y s'aiment ben. Photo du jour, prise lundi:

- Les néo-démocrates dévoilent le nom d'un premier candidat québécois high profile. Il s'agit de Cheryl Gosselin, professeure à Bishop's dans le département des Women's Studies.

- Dans mon dernier billet, Gilles Duceppe regarde à gauche, je disais que Duceppe se positionnerait à gauche et éviterait de parler de souveraineté à l'occasion d'une éventuelle campagne cet hiver. Aujourd'hui, Michel C. Auger dit que le PQ se tire dans le pied en parlant d'identité et de loi 101 alors que l'économie devient la préoccupation principale des Québécois. Il prédit conséquemment la survie du gouvernement Charest au-delà de la session parlementaire. Le tout dans le cadre d'une discussion théorique sur les effets qu'une récession peut avoir sur un gouvernement.

- Inutile de vous suggérer des liens à propos du rapport Manley sur l'Afghanistan. On en parle partout. Manon Cornellier propose une analyse originale aux abonnés du Devoir.

(source photo: thePolitico.com)

samedi 19 janvier 2008

Gilles Duceppe regarde à gauche


"La thématique et la stratégie sont prêtes" dit Gilles Duceppe.

Tout indique que nous nous dirigeons vers une élection fédérale avant l'été. Gilles Duceppe a laissé entrevoir sa stratégie électorale "à l'occasion d'une journée de formation" pour députés et militants. Il semble que la souveraineté aura une place bien maigre dans son arsenal discursif au cours des prochains mois. Vous vous en convaincrez peut-être en visionnant l'entrevue qu'il a accordée à Patrice Roy le 18 décembre. (Voyez le Téléjournal du 18 décembre et avancez à la 28è minute.)

Plutôt que de chercher à mettre la main sur le vote nationaliste, qui s'est en partie déplacé vers le Parti Conservateur, Gilles Duceppe se postionnera comme chef d'un parti d'opposition de gauche. Avec la relative faiblesse des libéraux et des néo-démocrates au Québec, c'est le terrain le plus fertile à l'horizon. Tant que Jack Layton et Stéphane Dion ne se déferont pas de l'étiquette centralisatrice, le Bloc aura beau jeu de se présenter comme le seul grand parti de gauche respectueux des aspirations québécoises. Comme les québécois ont davantage à reprocher à Stephen Harper sur le plan de la politique environnementale, économique, culturelle que sur le plan des relations fédérales-provinciales, cette stratégie est la seule qui permette au Bloc d'espérer rester en mode offensif durant la campagne.

Évidemment, cette position ne demeurera pas aussi confortable très longtemps. Il suffirait d'un Michael Ignatieff à la tête des libéraux pour de nouveau remettre en question la pertinence du Bloc. Mais Gilles Duceppe ne s'est jamais opposé à des thèmes de campagnes à espérance de vie limitée - pensez aux deux dernières campagnes... Notez que Duceppe fixe la barre à 38 sièges pour demeurer à la tête du Bloc.

Dans une perspective où l'on pourrait voir plusieurs gouvernements minoritaires se succéder à Ottawa, ce repositionnement devrait, pour un temps, rendre le Bloc plus "vendable" comme allié parlementaire au Canada anglais. Pour l'instant, that's where the Bloc stands. Et il ne devrait pas bouger à moins d'une montée libérale ou néo-démocrate au Québec.
(source photo: viewimages.com)